Le forfait annuel en jours au regard des dernières jurisprudences de la Cour de cassation
Cet article est l'occasion d'un retour sur les récentes précisions apportées au dispositif du forfait annuel en jours (des conclusions du CEDS en 2010 aux plus récents arrêts de la Cour de cassation) et d'en tirer les conséquences concrètes pour les employeurs du sport, et notamment quant à la conformité du dispositif conventionnel mettant en place le forfait annuel en jours (art. 5.3.1.2.1 CCNS) aux nouvelles exigences jurisprudentielles.
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Cet article n’est pas à jour des modifications apportées par l’avenant 123 signé le 18 octobre 2017. Si vous avez des interrogations sur la mise en place d’un forfait, nous vous invitons à contacter le service juridique par le biais de la plateforme juridique et tous les matins de la semaine lors de la permanence juridique.
Dans ses conclusions publiées en décembre 2010, le CEDS (Comité Européen des Droits Sociaux) considérait qu'une partie du « volet temps de travail » de la loi du 20 août 2008 n'était pas conforme à la Charte sociale européenne. Le Comité y affirmait à nouveau qu’un temps de travail maximum de 78 heures (6 x 13h) par semaine (contre les 48 heures hebdomadaires prévues par les dispositions générales sur le temps de travail) pour les cadres soumis au forfait annuel en jours était manifestement excessif et ne pouvait être qualifié de raisonnable au sens de l’article 2§1 de la Charte sociale européenne révisée. Il considérait également que pour qu’une législation soit conforme à la Charte, il fallait qu’elle empêche une durée du travail déraisonnable, qu’elle soit établie dans un cadre prévoyant des garanties suffisantes et qu’elle prévoie des périodes de référence d’une durée raisonnable pour le calcul de la durée du travail.
Cette position a fait écho du côté de la Cour de cassation dès le 29 juin 2011. Depuis, cette jurisprudence a été confirmée. Le COSMOS, ayant pris acte de ce revirement de jurisprudence fragilisant le dispositif conventionnel mettant en place le forfait annuel en jour (art. 5.3.1.2.1 CCNS), a présenté aux partenaires sociaux un projet d’avenant visant à mettre le dispositif en conformité avec les nouvelles exigences jurisprudentielles début 2012. Toutefois, cette négociation n’a pas encore abouti et il est impossible pour l’heure de prédire de son issue ou encore de ses délais.
Dans ce contexte, nous déconseillons pour l’heure aux employeurs sportifs de conclure de nouvelles conventions de forfait sur le fondement de l’article 5.3.1.2.1 CCNS et préconisons plutôt le recours au forfait annuel en heures, ou encore la conclusion d'un accord collectif d'entreprise pour que les structures qui le peuvent mettent en place leur propre forfait annuel en jours conformément aux prescriptions jurisprudentielles.
Rappelons en effet que les structures dépourvues de délégué syndical peuvent conclure des accords collectifs, avec leur(s) représentant(s) du personnel (Comité d’Entreprise ou à défaut Délégué(s) du Personnel), ou subsidiairement avec un salarié mandaté. Ainsi, les employeurs ont la possibilité de conclure des conventions de forfait annuel en jours en toute sécurité juridique dès lors que celles-ci ont pour fondement un accord collectif d’entreprise conforme à la jurisprudence, en attendant la sécurisation du dispositif conventionnel.
Pour plus de précisions sur les modalités de négociation des accords dérogatoires , nous vous invitons à consulter notre pratique y afférente.
Vous trouverez ci-dessous les commentaires de l’arrêt de la Cour de cassation du 29/6/2011 ainsi que des arrêts qui ont suivi.
L'ARRET DE LA COUR DE CASSATION DU 29 JUIN 2011 (n°09-71.107)
Compte-tenu des conséquences financières potentiellement dommageables pour les employeurs en cas d’illicéité du recours au forfait annuel en jours, une prise de position par la Haute juridiction était très attendue. Dans un arrêt du 29 juin 2011, la Cour de cassation se prononce sur la conformité au droit européen (au sens large) du forfait annuel en jours tel que résultant de la loi de 2008, d’une part sur la validité de l’accord collectif permettant la conclusion d’une convention de forfait et d’autre part sur la convention de forfait elle-même et le respect de l’accord collectif par l’employeur.
Les juges, après avoir rappelé que « le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles » et le respect nécessaire « des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires », énumèrent les garanties contenues par l’accord collectif en cause permettant la conclusion de conventions de forfait annuel en jours, en attachant une importance particulière au contrôle et au suivi de l’organisation du temps de travail. Il y est question non seulement d’un entretien annuel, mais encore d’un suivi régulier du cadre en forfait annuel en jours. Ce suivi et ce contrôle portent sur l’organisation du temps de travail du salarié, sa charge de travail (et son adéquation avec le forfait) qui doit rester raisonnable ainsi que sur l’amplitude de travail du salarié.
Enfin, la validité de la convention de forfait annuel en jours est explicitement subordonnée au respect effectif par l’employeur des garanties prévues par l’accord de branche (ou d’entreprise). A défaut, la convention de forfait en jours est privée d’effet et, par conséquent, le salarié est fondé à obtenir le paiement des heures supplémentaires dont il aura apporté la preuve. Par ailleurs, bien que cette question ne soit pas abordée par l’arrêt, il semble qu’en cas de violation par l’employeur de la convention de forfait, le manquement serait assez grave pour permettre au salarié de prendre acte de la rupture de son contrat aux torts de l’employeur, en raison de la méconnaissance par celui-ci de son obligation de sécurité de résultat.
L’analyse de l’accord collectif mis en cause dans l’affaire d’espèce mais finalement validé par les hauts magistrats, nous a conduis à nous interroger sur la conformité des dispositions conventionnelles de l’article 5.3.1.2.1 de la CCNS (instaurant le recours audit forfait). Au vu des précisions jurisprudentielles, ce dispositif ne semble plus juridiquement sécurisé. En effet, toutes les garanties dorénavant exigées pour qu’un forfait annuel en jours puisse être valablement conclu ne figurent pas dans la CCNS. C’est notamment le cas en termes de périodicité du suivi, un suivi annuel paraissant désormais insuffisant, et d’effectivité du suivi, ce dernier s’entendant d’un suivi a posteriori (le planning mensuel prévisionnel et le bilan annuel exigés par la CCNS ne semblent pas permettre ce suivi effectif de la charge de travail).
LES DERNIERES PRECISIONS JURISPRUDENTIELLES SUR LA CONVENTION INDIVIDUELLE DE FORFAIT
La Cour de cassation a récemment posé pour principe, dans un arrêt du 31 janvier dernier (n° 10-17593), que la convention individuelle de forfait, obligatoirement passée par écrit, ne peut résulter d’un renvoi général fait dans le contrat de travail à l’accord collectif sur l’aménagement du temps de travail (à savoir à la CCNS, sauf accord collectif d’entreprise), « ce renvoi ne pouvant constituer l’écrit requis ».
Elle rappelle que l’instauration du forfait annuel en jours suppose d’une part un accord collectif autorisant le recours à ce dispositif et comportant un certain nombre de garanties (art. L. 3121-39 C. trav.), et d’autre part une convention individuelle de forfait constatant l’accord écrit du salarié (art. L. 3121-40 C. trav. ; art. 5.3.1.2.1 al. 1 CCNS). Aucune disposition ne réglementant le contenu de cette convention individuelle, il est classiquement admis que l’accord du salarié fasse l’objet d’une clause du contrat de travail ou d’une convention dédiée annexée au contrat. Si l’arrêt du 31 janvier ne remet pas en cause la possibilité de recourir à une simple clause contractuelle, il impose de détailler un minimum le dispositif auquel les employeurs entendent soumettre leurs salariés, sans se contenter d’un renvoi général à l’accord collectif.
Dans l’affaire d’espèce, aucune convention individuelle de forfait n’ayant été passée par écrit entre la société et le salarié, ce dernier était donc parfaitement en droit de réclamer le paiement de ses heures supplémentaires. En clair, l’accord du salarié doit être donné en toute connaissance de cause. Pour faire office de convention individuelle de forfait, le contrat de travail devrait mentionner les caractéristiques principales du système auquel est soumis le salarié, en nommant expressément le forfait-jours et en renvoyant à l’accord collectif qui en fixe les conditions de mise en œuvre. Il convient également de préciser le nombre de jours que le salarié doit s’engager à travailler, et il paraît opportun de rappeler les dispositions du Code du travail rendant obligatoires le repos quotidien et hebdomadaire ainsi qu’un entretien annuel.
Il convient néanmoins de souligner encore une fois que tant que la CCNS ne présentera pas les garanties nécessaires à la mise en place du forfait annuel en jours, le recours à ce dispositif demeurera juridiquement incertain pour l’employeur, quand bien même il aurait aménagé la convention individuelle de forfait de façon à faire apparaître des garanties supplémentaires pour le salarié (sous réserve d’un accord d’entreprise conforme aux nouvelles exigences).
Dans un arrêt du 28 février 2012 (n° 10-27839), la Cour de cassation a affirmé que le fait pour l’employeur d’appliquer au salarié le système du forfait en jours sans qu’ait été conclue une convention individuelle ad hoc, et alors que le cadre avait travaillé régulièrement plus de dix heures par jour, faisait ressortir le caractère intentionnel de l’absence de la mention, sur le bulletin de salaire, de toutes les heures accomplies au-delà de la durée légale. Aussi, le seul fait de soumettre le salarié au forfait-jours sans lui faire signer la convention individuelle exigée par l’article L. 3121-40 du Code du travail (exigence reprise par l’article 5.3.1.2.1 CCNS), et de le priver ainsi du droit au paiement des heures supplémentaires, caractérisaint automatiquement l’élément intentionnel nécessaire à la condamnation pour travail dissimulé. L’infraction n’était constituée qu’en cas d’absence de mention relative au forfait-jours dans le contrat de travail. En revanche, un employeur ne saurait être condamné au titre du travail dissimulé en cas de recours irrégulier au forfait annuel en jours dès lors que l’accord du salarié a fait l’objet d’une convention individuelle écrite, quand bien même son fondement s’avérait illégal ; l’élément intentionnel de dissimulation ferait alors défaut.
En allongeant la liste des sanctions encourues par l’employeur en cas de violation du dispositif du forfait annuel en jours, les juges confirment leur volonté de mettre en conformité le droit national avec le droit européen et de mettre fin à certaines dérives jusqu’ici constatées dans la mise en oeuvre du forfait-jours.
Par un arrêt du 19 septembre 2012 (n° 11-19.016) la chambre sociale a jugé, sans surprise, qu’un accord de branche renvoyant la mise en place des forfaits-jours à la négociation d’un accord d’entreprise ne saurait justifier la conclusion d’une convention individuelle de forfait-jours en l’absence de l’accord d’entreprise.
Enfin, un arrêt récent du 26 septembre 2012 (n° 11-14.540) mérite une plus grande attention. En l’espèce, les Hauts magistrats se sont livrés à l’analyse des stipulations de la convention collective du commerce de gros qui semblait présenter des garanties similaires à celle contenues dans l’accord de la métallurgie validé par la chambre sociale dans l’arrêt du 29/6/2011 (rappel des principes des repos hebdomadaires et temps de repos quotidiens, contrôle du nombre de jours travaillés par la tenue d’un document faisant apparaître le nombre et la date des journées travaillées ainsi que la qualification des jours de repos au titre de la réduction du temps de travail, contenu détaillé de l’entretien annuel avec le supérieur hiérarchique devant permettre d’évoquer l’organisation et la charge de travail du collaborateur ainsi que l’amplitude de ses journées travaillées).
Malgré ces dispositions protectrices des droits des salariés en forfait-jours, les garanties présentées par l’accord ont été jugées insuffisantes. Les juges s’attachent aux stipulations garantissant une amplitude et une charge de travail raisonnables et estiment que pour garantir le droit au repos et le respect des durées maximales, l’accord doit mettre en place des mécanismes précis de contrôle de l’amplitude et de la charge de travail.
Encore, cet arrêt a relancé le débat autour de la nécessité ou non de prévoir dans l’accord collectif (de branche ou d’entreprise) le respect des durées maximales légales de travail. Si la seule interprétation de cet arrêt ne devrait pas conduire à cette conclusion, une intervention législative mettant fin à cette incertitude juridique est des plus souhaitables.
Cette position a fait écho du côté de la Cour de cassation dès le 29 juin 2011. Depuis, cette jurisprudence a été confirmée. Le COSMOS, ayant pris acte de ce revirement de jurisprudence fragilisant le dispositif conventionnel mettant en place le forfait annuel en jour (art. 5.3.1.2.1 CCNS), a présenté aux partenaires sociaux un projet d’avenant visant à mettre le dispositif en conformité avec les nouvelles exigences jurisprudentielles début 2012. Toutefois, cette négociation n’a pas encore abouti et il est impossible pour l’heure de prédire de son issue ou encore de ses délais.
Dans ce contexte, nous déconseillons pour l’heure aux employeurs sportifs de conclure de nouvelles conventions de forfait sur le fondement de l’article 5.3.1.2.1 CCNS et préconisons plutôt le recours au forfait annuel en heures, ou encore la conclusion d'un accord collectif d'entreprise pour que les structures qui le peuvent mettent en place leur propre forfait annuel en jours conformément aux prescriptions jurisprudentielles.
Rappelons en effet que les structures dépourvues de délégué syndical peuvent conclure des accords collectifs, avec leur(s) représentant(s) du personnel (Comité d’Entreprise ou à défaut Délégué(s) du Personnel), ou subsidiairement avec un salarié mandaté. Ainsi, les employeurs ont la possibilité de conclure des conventions de forfait annuel en jours en toute sécurité juridique dès lors que celles-ci ont pour fondement un accord collectif d’entreprise conforme à la jurisprudence, en attendant la sécurisation du dispositif conventionnel.
Pour plus de précisions sur les modalités de négociation des accords dérogatoires , nous vous invitons à consulter notre pratique y afférente.
Vous trouverez ci-dessous les commentaires de l’arrêt de la Cour de cassation du 29/6/2011 ainsi que des arrêts qui ont suivi.
L'ARRET DE LA COUR DE CASSATION DU 29 JUIN 2011 (n°09-71.107)
Compte-tenu des conséquences financières potentiellement dommageables pour les employeurs en cas d’illicéité du recours au forfait annuel en jours, une prise de position par la Haute juridiction était très attendue. Dans un arrêt du 29 juin 2011, la Cour de cassation se prononce sur la conformité au droit européen (au sens large) du forfait annuel en jours tel que résultant de la loi de 2008, d’une part sur la validité de l’accord collectif permettant la conclusion d’une convention de forfait et d’autre part sur la convention de forfait elle-même et le respect de l’accord collectif par l’employeur.
Les juges, après avoir rappelé que « le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles » et le respect nécessaire « des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires », énumèrent les garanties contenues par l’accord collectif en cause permettant la conclusion de conventions de forfait annuel en jours, en attachant une importance particulière au contrôle et au suivi de l’organisation du temps de travail. Il y est question non seulement d’un entretien annuel, mais encore d’un suivi régulier du cadre en forfait annuel en jours. Ce suivi et ce contrôle portent sur l’organisation du temps de travail du salarié, sa charge de travail (et son adéquation avec le forfait) qui doit rester raisonnable ainsi que sur l’amplitude de travail du salarié.
Enfin, la validité de la convention de forfait annuel en jours est explicitement subordonnée au respect effectif par l’employeur des garanties prévues par l’accord de branche (ou d’entreprise). A défaut, la convention de forfait en jours est privée d’effet et, par conséquent, le salarié est fondé à obtenir le paiement des heures supplémentaires dont il aura apporté la preuve. Par ailleurs, bien que cette question ne soit pas abordée par l’arrêt, il semble qu’en cas de violation par l’employeur de la convention de forfait, le manquement serait assez grave pour permettre au salarié de prendre acte de la rupture de son contrat aux torts de l’employeur, en raison de la méconnaissance par celui-ci de son obligation de sécurité de résultat.
L’analyse de l’accord collectif mis en cause dans l’affaire d’espèce mais finalement validé par les hauts magistrats, nous a conduis à nous interroger sur la conformité des dispositions conventionnelles de l’article 5.3.1.2.1 de la CCNS (instaurant le recours audit forfait). Au vu des précisions jurisprudentielles, ce dispositif ne semble plus juridiquement sécurisé. En effet, toutes les garanties dorénavant exigées pour qu’un forfait annuel en jours puisse être valablement conclu ne figurent pas dans la CCNS. C’est notamment le cas en termes de périodicité du suivi, un suivi annuel paraissant désormais insuffisant, et d’effectivité du suivi, ce dernier s’entendant d’un suivi a posteriori (le planning mensuel prévisionnel et le bilan annuel exigés par la CCNS ne semblent pas permettre ce suivi effectif de la charge de travail).
LES DERNIERES PRECISIONS JURISPRUDENTIELLES SUR LA CONVENTION INDIVIDUELLE DE FORFAIT
La Cour de cassation a récemment posé pour principe, dans un arrêt du 31 janvier dernier (n° 10-17593), que la convention individuelle de forfait, obligatoirement passée par écrit, ne peut résulter d’un renvoi général fait dans le contrat de travail à l’accord collectif sur l’aménagement du temps de travail (à savoir à la CCNS, sauf accord collectif d’entreprise), « ce renvoi ne pouvant constituer l’écrit requis ».
Elle rappelle que l’instauration du forfait annuel en jours suppose d’une part un accord collectif autorisant le recours à ce dispositif et comportant un certain nombre de garanties (art. L. 3121-39 C. trav.), et d’autre part une convention individuelle de forfait constatant l’accord écrit du salarié (art. L. 3121-40 C. trav. ; art. 5.3.1.2.1 al. 1 CCNS). Aucune disposition ne réglementant le contenu de cette convention individuelle, il est classiquement admis que l’accord du salarié fasse l’objet d’une clause du contrat de travail ou d’une convention dédiée annexée au contrat. Si l’arrêt du 31 janvier ne remet pas en cause la possibilité de recourir à une simple clause contractuelle, il impose de détailler un minimum le dispositif auquel les employeurs entendent soumettre leurs salariés, sans se contenter d’un renvoi général à l’accord collectif.
Dans l’affaire d’espèce, aucune convention individuelle de forfait n’ayant été passée par écrit entre la société et le salarié, ce dernier était donc parfaitement en droit de réclamer le paiement de ses heures supplémentaires. En clair, l’accord du salarié doit être donné en toute connaissance de cause. Pour faire office de convention individuelle de forfait, le contrat de travail devrait mentionner les caractéristiques principales du système auquel est soumis le salarié, en nommant expressément le forfait-jours et en renvoyant à l’accord collectif qui en fixe les conditions de mise en œuvre. Il convient également de préciser le nombre de jours que le salarié doit s’engager à travailler, et il paraît opportun de rappeler les dispositions du Code du travail rendant obligatoires le repos quotidien et hebdomadaire ainsi qu’un entretien annuel.
Il convient néanmoins de souligner encore une fois que tant que la CCNS ne présentera pas les garanties nécessaires à la mise en place du forfait annuel en jours, le recours à ce dispositif demeurera juridiquement incertain pour l’employeur, quand bien même il aurait aménagé la convention individuelle de forfait de façon à faire apparaître des garanties supplémentaires pour le salarié (sous réserve d’un accord d’entreprise conforme aux nouvelles exigences).
Dans un arrêt du 28 février 2012 (n° 10-27839), la Cour de cassation a affirmé que le fait pour l’employeur d’appliquer au salarié le système du forfait en jours sans qu’ait été conclue une convention individuelle ad hoc, et alors que le cadre avait travaillé régulièrement plus de dix heures par jour, faisait ressortir le caractère intentionnel de l’absence de la mention, sur le bulletin de salaire, de toutes les heures accomplies au-delà de la durée légale. Aussi, le seul fait de soumettre le salarié au forfait-jours sans lui faire signer la convention individuelle exigée par l’article L. 3121-40 du Code du travail (exigence reprise par l’article 5.3.1.2.1 CCNS), et de le priver ainsi du droit au paiement des heures supplémentaires, caractérisaint automatiquement l’élément intentionnel nécessaire à la condamnation pour travail dissimulé. L’infraction n’était constituée qu’en cas d’absence de mention relative au forfait-jours dans le contrat de travail. En revanche, un employeur ne saurait être condamné au titre du travail dissimulé en cas de recours irrégulier au forfait annuel en jours dès lors que l’accord du salarié a fait l’objet d’une convention individuelle écrite, quand bien même son fondement s’avérait illégal ; l’élément intentionnel de dissimulation ferait alors défaut.
En allongeant la liste des sanctions encourues par l’employeur en cas de violation du dispositif du forfait annuel en jours, les juges confirment leur volonté de mettre en conformité le droit national avec le droit européen et de mettre fin à certaines dérives jusqu’ici constatées dans la mise en oeuvre du forfait-jours.
Par un arrêt du 19 septembre 2012 (n° 11-19.016) la chambre sociale a jugé, sans surprise, qu’un accord de branche renvoyant la mise en place des forfaits-jours à la négociation d’un accord d’entreprise ne saurait justifier la conclusion d’une convention individuelle de forfait-jours en l’absence de l’accord d’entreprise.
Enfin, un arrêt récent du 26 septembre 2012 (n° 11-14.540) mérite une plus grande attention. En l’espèce, les Hauts magistrats se sont livrés à l’analyse des stipulations de la convention collective du commerce de gros qui semblait présenter des garanties similaires à celle contenues dans l’accord de la métallurgie validé par la chambre sociale dans l’arrêt du 29/6/2011 (rappel des principes des repos hebdomadaires et temps de repos quotidiens, contrôle du nombre de jours travaillés par la tenue d’un document faisant apparaître le nombre et la date des journées travaillées ainsi que la qualification des jours de repos au titre de la réduction du temps de travail, contenu détaillé de l’entretien annuel avec le supérieur hiérarchique devant permettre d’évoquer l’organisation et la charge de travail du collaborateur ainsi que l’amplitude de ses journées travaillées).
Malgré ces dispositions protectrices des droits des salariés en forfait-jours, les garanties présentées par l’accord ont été jugées insuffisantes. Les juges s’attachent aux stipulations garantissant une amplitude et une charge de travail raisonnables et estiment que pour garantir le droit au repos et le respect des durées maximales, l’accord doit mettre en place des mécanismes précis de contrôle de l’amplitude et de la charge de travail.
Encore, cet arrêt a relancé le débat autour de la nécessité ou non de prévoir dans l’accord collectif (de branche ou d’entreprise) le respect des durées maximales légales de travail. Si la seule interprétation de cet arrêt ne devrait pas conduire à cette conclusion, une intervention législative mettant fin à cette incertitude juridique est des plus souhaitables.