Panorama des jurisprudences de mai 2011
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DELAI DE PREVENANCE ET RUPTURE DE L'ESSAI
Selon l'article L. 1221-25 du Code du travail, l'employeur qui décide de rompre la période d'essai doit prévenir le salarié dans un délai qui ne peut être inférieur à un mois après trois mois de présence. Or selon le même article, « la période d'essai, renouvellement inclus, ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance ».
Dès lors, que se passe-t-il si, au moment de la notification de la rupture, il ne reste plus suffisamment de temps à l'intérieur de la période d'essai pour que le délai de prévenance soit respecté ?
S'il n'existe pas encore de jurisprudence de la Cour de Cassation sur la question, la Cour d'Appel de Montpellier, dans un arrêt du 11 mai 2011 (n°10/05785), va dans le sens de l'interprétation doctrinale assez largement répandue : « le non respect en l'espèce de ce délai de prévenance qui ne peut avoir pour effet de rendre le contrat définitif entraîne uniquement, au bénéfice du salarié concerné, le versement d'une indemnité compensatrice équivalant au salaire brut correspondant à la durée du délai de prévenance manquante ».
INAPTITUDE ET CDD
Dans un arrêt du 25 mai 2011 (n°10-10.515), la Cour de cassation a décidé pour la première fois que « lorsqu'à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise, le salarié sous contrat à durée déterminée, victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, n'est pas reclassé dans l'entreprise, l'employeur doit reprendre le paiement du salaire correspondant à l'emploi qu'il occupait avant la suspension du contrat de travail ».
Dans cette décision, la Cour de cassation tire en quelque sorte les conséquences d'une application rétroactive de la loi du 17 mai 2011 (dont nous avons parlé dans notre précédente newsletter) qui n'était pas applicable en l'espèce.
Depuis le 19 mai 2011, date d'entrée en vigueur de cette loi, l'inaptitude, qu'elle soit ou non d'origine professionnelle, est un nouveau cas de rupture anticipée du CDD.
Désormais, pour toute inaptitude d'un salarié sous CDD, l'employeur doit donc s'efforcer de reclasser l'intéressé et, passé le délai d'un mois, il doit maintenir le salaire s'il n'a pas déjà rompu le CDD de manière anticipée.
SUPPRESSION D'UNE TACHE PAR L'EMPLOYEUR ET PRISE D'ACTE DE LA RUPTURE PAR LE SALARIE
Un salarié dont la mission était d'assurer l'entretien des chaudières au domicile de particuliers bénéficiait alors d'une prime lorsqu'il était amené à changer la chaudière usagée par une neuve.
A l'occasion d'un transfert d'entreprise, le repreneur l'affecte à une mission d'installation de chauffages collectifs, n'impliquant plus de prime.
Le salarié prend acte de la rupture, estimant que son employeur a commis un manquement à ses obligations suffisamment grave pour la justifier.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 16 mars 2011 (n°08-42.671), estime qu'il n'y a aucun manquement de l'employeur à ses obligations justifiant la prise d'acte de la rupture, celle-ci devant alors s'analyser en une démission. En effet, sans le dire expressément, elle se fonde sur l'absence de modification du contrat de travail.
ABSENCE DE DIPLOME ET LICENCIEMENT
La Cour de cassation a réaffirmé dans un arrêt du 16 mai 2005 (n°09-68.704) une jurisprudence constante selon laquelle l'absence de diplôme nécessaire à l'exercice d'une profession réglementée par un salarié ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Dans cette affaire, un employeur qui savait, dès l'embauche, qu'une salariée n'était pas titulaire du diplôme d'Etat nécessaire à l'exercice de sa profession (en l'espèce il s'agissait d'une infirmière), avait poursuivi malgré tout les relations contractuelles avec elle pendant plusieurs années.
Les juges affirment que l'employeur ne peut pas la licencier en raison de l'absence de diplôme, alors même que l'impossibilité de maintenir la salariée à son poste était constatée (la régularisation étant impossible).
Une telle position est transposable aux entraineurs et éducateurs sportifs, qui relèvent également d'une profession réglementée. En effet, l'article L. 212-1 du Code du sport pose la condition de possession d'un diplôme, d'un titre ou d'un CQP pour enseigner, animer, encadrer une activité sportive ou entraîner ses pratiquants contre rémunération.
Dès lors, l'employeur qui entend embaucher un salarié en vue d'effectuer ces missions, doit impérativement vérifier que la personne est bien titulaire du diplôme requis pour l'activité considérée.
Il ne saurait, à défaut d'une telle vérification, invoquer une règlementation à laquelle il a lui-même contrevenu pour légitimer un éventuel licenciement, qui serait donc dépourvu de cause réelle et sérieuse.
RECONNAISSANCE DU CONTRAT DE TRAVAIL D'UN JOUEUR DE RUGBY
Avec l'arrêt du 28 avril 2011 (n°10-15.573), la Haute juridiction réaffirme que le principe de réalité, selon lequel « l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs », s'applique également au milieu sportif.
En l'espèce, un joueur de rugby était titulaire d'une « convention de défraiement » d'après laquelle il s'engageait à participer aux entrainements et rencontres sportives ainsi qu'à respecter le règlement intérieur de l'association, en échange de quoi il percevait un défraiement annuel et une participation mensuelle à ses frais de logement.
Pour la Cour d'appel, cette convention s'insérait dans le cadre d'un « simple rapport d'autorité sportif ».
La Cour de cassation censure ce raisonnement estimant que ces éléments suffisent à caractériser le lien de subordination (à savoir, l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements), et requalifie la convention en contrat de travail.
Elle précise également que l'exercice d'une activité professionnelle, concomitante et à temps complet par le joueur, ne fait en aucun cas obstacle à la requalification en relation salariée.